Publié le 6 Oct 20 à 14:30

« Dans le cadre de sa mise en oeuvre de son projet d’établissement 2018-2022, le CHU de Toulouse devra recomposer sa structure capacitaire afin de rationaliser le nombre de lits par unité et optimiser les équipes soignantes ».
Un rapport qui suscite l’émoi
Cette phrase tirée d’un rapport de la Chambre régionale des comptes Occitanie (CRC Occitanie), publié le 1er octobre 2020, a suscité un fort émoi en pleine crise sanitaire du covid-19 qui a mis à l’épreuve toute la chaîne de soins en France et mis à rude épreuve le personnel hospitalier.
Alors que la France bat des records de contaminations, les magistrats de la Chambre des Comptes d’Occitanie prêchent en faveur de la suppression de postes de médecins et de lits d’hôpitaux pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse.
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— Julien Colet (@Colet_Julien) October 5, 2020
Un contrôle antérieur au covid-19
Ce rapport qui avait pour but de contrôler la gestion du CHU de Toulouse « à compter de 2012 jusqu’à la période la plus récente » « ne s’inscrit pas dans le contexte actuel lié à la crise sanitaire », a rapidement réagi l’organisme de contrôle, en prenant soin de préciser :
Ce rapport a porté sur les années 2012-2018. Le contexte a changé après la crise d’ampleur du printemps dernier. Mais le message du rapport demeure : le CHU doit absolument être
accompagné dans sa restructuration immobilière par un financement national. Son déficit structurel s’explique en partie par son emprise architecturale inappropriée. La politique immobilière ambitieuse qui a été conduite jusqu’en 2016 a entraîné un endettement excessif. Face à la forte concurrence du secteur privé toulousain, la restructuration est
incontournable, pour une structure architecturale plus efficiente, source de moins de pertes.
Plusieurs dysfonctionnements pointés du doigt
Outre la situation immobilière du CHU, la CRC Occitanie a mis en lumière plusieurs éléments tels que l’organisation territoriale du CHU, sa place par rapport aux cliniques privées en plein développement dans l’agglomération toulousaine, la fiabilité de ses comptes et sa situation financière. La réorganisation du personnel n’a été qu’une recommandation parmi bien d’autres de cet imposant rapport de 153 pages.
En des termes parfois abrupts quant il s’agit de parler des soins portés à la population, la CRC Occitanie a pointé de nombreux dysfonctionnements. Des dysfonctionnements qui contribuent « à dégrader la situation financière et patrimoniale de l’établissement », selon la juridiction administrative financière.
De nouveaux bâtiments entre 2012 et 2018
L’organisme de contrôle a notamment mis en cause la gestion patrimoniale du CHU sur la période allant de 2012 à 2018, période qui a vu le CHU passer de « l’hôpital miroir », avec deux sites, Purpan et Rangueil proposant chacun toutes les spécialités médicales, à un hôpital dispersé avec des sites dédiés à des spécialités.
Cette période a vu l’ouverture de nouveaux bâtiments et de nouveaux sites : le bâtiment Pierre-Paul Riquet en 2014, (576 lits et places sur 94 447 m2 à Purpan pour un montant de 326 M€), le bâtiment urgence-réanimation-médecine, (232 lits et places sur 27 273 m2 à Purpan, en 2015 pour un montant de 100 M€), le bâtiment de psychiatrie et la création de l’Oncopôle co-exploité par le CHU de Toulouse et par le centre de lutte contre le cancer Claudius Regaud (ouvert en 2014 sur l’ancien site d’AZF, pour un coût initial de 300 M€).
« Trop de bâtiments désaffectés »
Selon la CRC Occitanie, « cette dispersion ne va pas sans conséquences indésirables : l’augmentation des surfaces et le maintien de bâtiments partiellement ou totalement désaffectés, à hauteur de 28 % de la surface totale en 2018 (40 148 m2 en 2018 contre 8770 en 2011, NDLR) ; l’augmentation du nombre de plateaux techniques, conduisant à la hausse des charges de personnel et des charges logistiques ; la multiplication d’unités de taille inefficiente, inadaptées par rapport aux exigences du mode de financement en tarification à l’activité et non-fonctionnelles au regard de la montée en charge de l’hospitalisation ambulatoire ».
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Taux d’occupation des lits insuffisant
Tout en soulignant « le rayonnement du CHU » qui « s’appuie sur des points forts reconnus » comme « la qualité des soins, la recherche, la qualité des plateaux techniques », la CRC Occitanie a aussi souligné « des taux d’ouverture de bloc et des taux d’occupation des lits insuffisants ».
L’émiettement de la composition capacitaire du CHU, le cloisonnement des unités et leur peu de modularité sont préjudiciables à l’optimisation de ses moyens, notamment humains.
Une « situation financière dégradée »
Sur le plan financier, la CRC Occitanie décrit un CHU de Toulouse « aux marges de manœuvre désormais réduites », contraint de financer ses investissements via 80% d’emprunts et placé sous tutelle de l’Agence Régionale de Santé pour entreprendre de nouvelles lignes d’investissements.
« Cette contrainte l’a conduit à limiter ses investissements au strict renouvellement des immobilisations et aux opérations urgentes à compter de 2016, alors même qu’il est confronté à la vétusté des sites de Rangueil et Larrey. Ses marges de manœuvre sont désormais réduites : son fonds de roulement insuffisant, qui s’établissait à 17,6 jours de charges courantes au 31 décembre 2017, le fait de dépendre d’une importante ligne de trésorerie, à hauteur de 65 M€ en 2018 », détaille la CRC Occitanie.
Elle conclut :
« La situation de trésorerie, déjà difficile en 2012 (-34 millions d’euros) est ainsi devenue alarmante en 2017 (-62 millions d’euros). En 2018, le CHU a dû mobiliser ses lignes de trésorerie à hauteur de 65 millions d’euros. Cette situation témoigne d’un profil d’endettement inadapté. Il n’est pas soutenable à moyen terme ».
Une gouvernance instable
Pour ajouter à tout ça, l’organisme met en exergue une gouvernance instable avec sept directeurs qui se sont succédé à la tête du CHU : »quatre directeurs en titre et trois par intérim ».
Les changements successifs de direction ont été à l’origine de ruptures managériales et parfois stratégiques. Ces départs successifs, entrecoupés d’épisodes d’intérim parfois longs (six mois pour le dernier) n’ont pas contribué à faciliter la conduite du changement. Ils témoignent également d’un contexte d’exercice difficile, caractérisé par la nécessité de gérer une contrainte budgétaire accrue dans un climat social particulièrement tendu.
« Se restructurer fortement »
Avant la crise sanitaire du covid-19, la Chambre Régionale des Comptes estimait que le CHU devait « se restructurer fortement, limiter son empreinte en termes de bâti, concentrer ses structures de prise en charge et plus particulièrement les plateaux techniques et unités de soins aigus tout en répondant aux besoins croissants de son bassin de vie ».
Que cette restructuration déjà prévue dans le projet d’établissement 2018-2022 du CHU devait « s’accompagner de mesures rapides de maîtrise des charges, et notamment de celles de personnel, qui ont augmenté de 79 M€ entre 2012 et 2017 ».
Le covid-19 rebat les cartes
Elle ajoutait :
« Cette démarche a d’ores et déjà été impulsée en ce qui concerne le personnel non-médical, mais doit être consolidée et s’étendre au personnel médical, et notamment à la permanence des soins, dont le coût s’avère élevé ».
Elle estimait également que « les hypothèses retenues dans le cadre du projet d’établissement 2018-2022 sont toutefois percutées par les mesures nationales et par le mouvement de grève des urgences qui pénalise fortement les recettes d’activité du CHU ».
La crise du covid-19 rebat encore plus toutes les cartes.
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