« Ce texte transfère le risque du non-paiement du loyer aux professionnels, explique le président de la FNAIM Jean-Marc Torrollion. Cela signifie qu’il nous revient de garantir en temps et heure le versement de chaque loyer au propriétaire-bailleur. Pour ce faire, soit nous décidons d’être hyper sélectifs à l’égard des locataires que nous choisissons au risque d’en exclure certains, soit nous restons ouverts et créons un fichier des incidents de paiement pour nous protéger », lance le président de la FNAIM.
Cela fait plus de dix ans que la FNAIM plaide pour la seconde solution et la création d’un tel fichier national. En vain jusqu’à maintenant. « Il s’agit d’un instrument avant tout dissuasif, nous permettant de faire baisser le risque d’impayé en incitant les locataires à ne pas se faire recenser », résume le professionnel qui promet des garde-fous.
« Cette base de données _ incluant les coordonnées du débiteur, le montant de la dette et sa durée _ sera uniquement accessible aux détenteurs d’une carte professionnelle, c’est-à-dire aux administrateurs de biens et agences immobilières, ainsi qu’aux assureurs », indique le président de la FNAIM, à l’instar des fichiers qui existent déjà dans le secteur bancaire, de l’assurance et de la téléphonie.
Le fichier recensera les mauvais payeurs « à partir de trois mois de loyer de retard tant que leur dette ne sera pas apurée », précise-t-il. Dès les paiements régularisés, leurs données seront retirées du fichier. À défaut, elles seront conservées trois ans maximum, soit l’équivalent de la durée d’un bail. Quant à la gestion du fichier, la FNAIM se dit prête à l’ouvrir aux associations de consommateurs et assure avoir obtenu un feu vert de principe de la Commission nationale Informatique et Libertés (Cnil) et un accord de compatibilité avec les règles de protection des données (RGPD) fin décembre 2018.
Interrogée, la Cnil se montre plus prudente. « La Commission n’a pas eu spécifiquement connaissance du projet de la FNAIM, précise-t-elle. Si ce projet était effectivement envisagé, il devrait être encadré de très fortes garanties pour les personnes concernées », souligne-t-elle. Elle n’est pas la seule à prendre ses distances. Le député Mickaël Nogal appelle à « la vigilance ». « Il ne faut pas créer de stigmatisation, opposer locataires et propriétaires, insiste-t-il, rappelant que seuls 2 % des locations sont victimes d’impayés. Ce fichier doit être encadré afin de ne pas bloquer l’accès au logement ».
Un point de vue que partage le groupe Particulier à particulier. « Attention aux éventuelles dérives, prévient la présidente de PAP Corinne Jolly. Il faut pouvoir contrôler ce fichier et vérifier sa mise à jour régulière afin que le locataire qui a réglé sa dette soit correctement désinscrit », conclut-elle, sans s’opposer sur son principe. Le groupe est lui-même détenteur d’un fichier recensant les escrocs aux petites annonces immobilières.