“On n’a jamais fait fortune avec le livret A”
Interview de Philippe Crevel Économiste, secrétaire général du Cercle de l’Épargne.
L’abaissement du taux du livret A de 0,75 à 0,5 % au 1er février prochain peut-il éloigner les Français de ce placement ?
“Lors des précédentes baisses, on avait assisté à plusieurs mois successifs de décollecte. On peut s’attendre à la même chose cette fois-ci, avec 3-4 mois difficiles, mais guère plus : le livret A pliera mais ne rompra pas. On n’a jamais fait fortune avec, la baisse du taux ne changera donc pas grand-chose.”
Que cherche le gouvernement ?
“D’abord, ça aurait fait mauvais genre de ne pas suivre la nouvelle formule de calcul dès sa première application. Et le taux à 0,75 % commençait à peser sur la Caisse des dépôts et des consignations. Certes, le contexte social et l’approche des élections municipales laissaient planer quelques doutes mais, au fond, le gouvernement était un peu pieds et poings liés. Ce choix s’inscrit par ailleurs dans une politique plus globale visant à réorienter vers des placements plus risqués l’épargne des Français, qui a atteint des niveaux très élevés.
Comment expliquer l’attachement des Français à un placement qui rapporte très peu, voire fait perdre de l’argent ?
“Il ne faut pas oublier qu’on perdait plus d’argent dans les années 80 que maintenant. On va être à un taux de 0,5 % et une inflation de 1 %, alors qu’à l’époque, c’était un taux de 8 % contre une inflation à 13 % ! De toute façon, il s’agit d’une épargne de précaution. On cherche la sécurité (le capital est garanti) et la liquidité (on peut entrer et sortir comme on veut). Surtout, on aime bien ne pas avoir à payer d’impôt ou de frais de gestion : ça nous donne l’impression de ne pas engraisser l’État. Les Français qui placent leur argent sur leur livret A ne le font pas pour financer leur retraite ou leur logement.”