Pousser la porte d’une agence bancaire dirigée par… un entrepreneur indépendant. C’est ce que vont découvrir les clients de trois agences de la Caisse d’Épargne implantées dans des territoires ruraux des régions Bretagne-Pays la Loire, comme l’ont révélé Les Echos. et Ouest-France. Une expérimentation inédite en France. La première est prévue en juin, les deux autres à la fin de l’année.
La banque veut inventer le métier de « Conseiller Indépendant Local ». D’après un document interne au groupe bancaire que nous avons pu consulter, ces conseillers d’un nouveau genre devront reprendre en main des agences loin des grandes villes en perte de vitesse selon des critères précis : agences à dynamiser, avec des travaux lourds, des difficultés de recrutement ou à la satisfaction client très dégradée. Ce « mandataire exclusif » de la Caisse d’Épargne est présenté comme une alternative à la fermeture de ces banques.
« Avec ce projet né ici, en Bretagne – Pays de la Loire, nous voulons emprunter un sentier un peu nouveau, une troisième voie entre le maintien d’agence et la fermeture pour maintenir une présence en milieu rural », explique Christophe Pinault, le président du directoire de la Caisse d’Épargne Bretagne – Pays de la Loire. Il se dit « enthousiaste mais sans aucune certitude » sur la perspective de voir arriver « cet entrepreneur qui créerait sa propre structure et à qui on confirait l’animation du fonds de commerce ».
Cet indépendant, qui ne serait pas autoentrepreneur mais qui devrait créer une SAS, une société par action simplifiée ne sera pas propriétaire du fonds de commerce, mais tirerait donc des revenus uniquement liés à son activité et aux commissions versées par la banque. Pas question non plus de traiter les chèques ou de délivrer de l’argent liquide, ses services seront concentrés sur le conseil et l’accompagnement des projets des clients. Ce banquier-entrepreneur devra décrocher une triple habilitation pour les métiers de la banque et de l’assurance et suivre une formation spécifique.
Pour le recrutement de ces perles rares, la Caisse d’Épargne n’ira pas chercher bien loin puisqu’elle veut choisir parmi les salariés volontaires. « Nous voulons pour ceux qui ont une volonté d’indépendance, rendre le modèle plus attractif que celui du salariat, avec une répartition de la valeur entre le conseiller et la banque différente. C’est gagnant pour chacun d’entre nous », souligne Christophe Pinault.
Les syndicats ont une vision toute différente de ce projet et pointent un risque d’« ubérisation » du secteur bancaire. « Nous pensons qu’ils vont licencier des salariés pour les reprendre derrière en tant qu’indépendant. Ce n’est pas du tout notre ADN, nous sommes une banque mutualiste avec des valeurs humaines et nous ne sommes pas du tout dans l’entrepreneuriat, se désole Alain Quesne, du syndicat Sud. Pour eux, c’est l’opportunité rêvée de s’émanciper des cotisations sociales ».
« On est hyper inquiet pour l’emploi, renchérit Valérie Lefebvre Haussmann, secrétaire générale de la fédération CGT banque-assurance. En fait, la Caisse d’Épargne se décharge de tous les frais liés à l’exploitation de l’agence et reporte le risque sur l’indépendant ». La CFDT qui refuse d’avoir « une position dogmatique » a demandé une expertise du dossier. Tous les syndicats ont réclamé un Comité de groupe extraordinaire pour obtenir plus d’informations. Le dossier est en cours d’instruction auprès du régulateur bancaire, qui doit encore donner son aval.